Rappeur caennais sujet à controverse, son 1er album sort alors qu’il a 27 ans. Auparavant, il enchainait les petits boulots, puis s’était fait connaitre au travers de la fameuse « Saint-Valentin».

Sur la page wikipédia d‘Aurélien, on peut lire que, selon son attaché de presse, « son statut de blanc provincial issu de la classe moyenne l’oblige à se porter en dérision ». C’est sur qu’être de la classe moyenne, blanc, et même pas habiter Panam, c’est vraiment la te-hon !!!!

Son profil étant assez atypique pour un rappeur français solo, il n’était pas gagné d’avance qu’il soit tant médiatisé (t’a compris grand? Jeux de mot! Par ce que son album, bin il s’appelle perdu d’avance! Tu vois le truc? C’est lol hin?). Et pourtant si, et comme souvent pour un rappeur, ce fut grâce à ses détracteurs.

A force de balancer des clips à succès aux paroles pleines de testostérone, il rentre dans le collimateur des féministes: celles-ci demandent sa déprogrammation à chaque festival où il passe, bien qu’il ait arrêté d’interpréter sa chanson « Sale Pute », à l’origine de la polémique. Et là, tout s’emballe de manière assez ridicule grâce à l’intervention des partis politiques (dès lors, était-il réellement besoin de préciser que c’était ridicule?). Le Ps et le Pc soutiennent les féministes, et le président Ps de la région Centre menace même le Printemps de Bourge de supprimer leurs subventions si ils maintiennent le rappeur sur scène. Effectivement c’est pas dans lignée des valeurs républicaines de faire ça, mais on s’en fout, y’a qu’en Afrique que les hommes politiques se soucient du respect de la démocratie. Ben ouais, y’a pas de mines de diamants en France.

Ségolène Royal est accusée d’avoir effectué le même chantage pour les Francofolies de la Rochelle. Il n’en fallait pas plus pour qu’une partie de l’UMP s’empare de l’affaire au nom de la défense de la liberté d‘expression. Précisons que tant les associations que les partis ne se sont intéressés à l‘artiste 2 ans après la mise en ligne de la chanson. Manque de réactivité ou opportunisme médiatique? La réponse est incertaine, tout du moins si vous croyez encore dans la bonne foi de leaders politiques (permettez-moi de vous le dire, mais vous êtes alors un peu con), mais peu importe, c’est un bon coup de pub gratuit pour Orelsan qui n’en demandait pas tant.

Au fait, rien à voir, vous avez entendu parlé de cette affaire où une jeune fille s’est fait violer par une trentaine de gamins qui ont tous été disculpés, par ce que c’était pour eux une sorte de rite initiatique pour le passage à l’âge adulte? Non? Pas surprenant, puisque ni les partis politiques ni pseudos-associations féministes n’en ont parlé. Quelle belle société que la nôtre!

N’ayant jamais été fan de la chanson «St Valentin», l’écoute de Perdu d’Avance fût uniquement la conséquence d’une récente curiosité pour le rap français. Aucun doute, l’instrumentalisation n’est vraiment pas la priorité d’Orelsan: suffisamment basique pour ne pas en devenir pénible. D’accord, la musique n’est pas géniale et carrément répétitive, mais c’est pas plus mal. D‘une part, se la jouer ghetto et sortir des chansons dont le coût de mixage doit être de 20milles dollars, seul Busta Rhymes peut se le permettre tout en restant crédible. D’autre part, ça permet de mieux se concentrer sur le rap.

Et ce rap, c’est pas n’importe quoi. Pas étonnant que ses potes l’appellent Jimmy Punchline. 14 chansons durant suffisamment longtemps pour que l’album amène autant de fous rires qu’un spectacle de Pierre Desproges. 

Comme il l’avoue lui-même, Orelsan est un peu victime du syndrome de Peter Pan. Mais un Peter Pan dont le vocabulaire serait axé sur la vulgarité et le sexe. 

Seulement, Orelsan ne tourne pas de clips entourés de « biatch » qui le complimentent sur ses performances au lit. Non, Orelsan ne drague les femmes qu’une fois bourré, il finit avec des filles immondes pendant que son ex couche avec son meilleur pote, et en profite pour choper une maladie vénérienne et un enfant non-désiré au passage; une vie assez minable pour qu’il songe plus souvent à se suicider qu’à se lever de son lit. Bref, Orelsan n’est pas un gangster, il se présente lui-même comme une victime, incapable de suivre le rythme de la société, se sentant à la fois immature et déphasé face à cette vie où le destin se joue avant ses 30 ans.

Pendant quelques rares moments, le rappeur prend la grosse tête, mais pas de panique, il s’agit uniquement d’un personnage. Comme on l’entend dans « Gros poisson dans une petite mare », Orelsan a conscience qu’il faut savoir où est sa place, et faire 3 hits sur Youtube ne lui donnera pas la reconnaissance dûe à un Eminem.

Au final, Orelsan nous raconte sa vie sur 14 titres, et difficile de ne pas identifier quelqu’un, voir soi-même, aux paroles. Boire à en vomir c’est supposé être marrant lors de soirées d’intégration, mais lorsque c’est tous les jours et que ca concerne une grande partie des jeunes, c’est qu’il y a un malaise dans la société. C’est-ce malaise que le caennais met en avant. On commence par rigoler de sa pathétique vie, puis on s’aperçoit que la situation nous est assez familière. Perdu d’avance est donc une œuvre introspective, qui permettra aux auditeurs honnêtes avec eux-mêmes de faire leur propre introspection. Que vous soyez à la recherche d’un bon rap, d’une bonne rigolade ou bien d’une séance de psychologie axée sur une franche remise en question, cet album ne vous décevra pas.

Je vous en prie, la prochaine fois que vous voyez quelqu’un voulant mettre « St Valentin » lors d’une soirée, dîtes-lui que cette chanson est merdique et ne représente en rien Orelsan. Mettez plutôt Jimmy Punchline, la chanson la plus drôle de l’album et la seule qui ne nécessite pas d’être écouter seul.

8.5