Voir la bande annonce
Voilà le genre de film qui passe inaperçu à sa sortie auprès de ce qu'on appellera avec prétention "grand public", qu’on regarde par le plus grand hasard, et qui nous fait dire que l’art est rarement reconnu à sa juste valeur.
Film allemand du réalisateur Michael Schorr, l’histoire est centrée autour du bien-nommé Schultze (Horst Krauze). Après avoir effectué son temps de bons et loyaux services à la mine, l’heure de la retraite sonne.
C’est ce thème qui retient notre attention pendant la 1ère moitié du film. Pas de larmes, de problèmes d’argent ou de péripéties quelconques . Non, ici, on évoque juste la vie, l’ennui. Peu de paroles, peu de musique, le spectateur est confronté à la dure réalité. Oui, dans la vie, il ne se passe souvent rien, et c’est bien la pire des choses.
Une scène a particulièrement retenu mon attention: l’un des 2 compères nouveaux-retraités de Schultze dit qu’ils se sont bien fait entuber avoir par les dirigeants, et suggère une révolution. Cette idée, évoquée autour d’un verre, un peu sur le même ton que si il lui proposait une clope, ne donnera pas suite. Par ce qu’une révolution, c’est pas facile, par ce que c’est fatiguant, par ce qu’on se conforte dans son quotidien, aussi ennuyeux soit-il. Si le film est si criant de vérité, c’est en grande partie dû au fait que seul Horst est un acteur professionnel, le reste des rôles étant partagé entre comédiens de troupes locales et des habitants du coin, qui furent réellement touchés par la fermeture des mines.
Bon, mais si ce film fait l’objet d’une chronique ici, c’est quand même qu’on y parle de musique. Et grâce à cette musique, la révolution aura lieu, mais une révolution individuelle.
En effet, notre gros Schultze est un joueur d’accordéon dont l’horizon musical se limite à la Polka. Vient un jour où sa radio capte par hasard sur une chaîne de blues. Tout d’abord presque apeuré, il en devient intrigué. A force d’écouter, il en joue. On notera d’ailleurs une séquence très amusante où il se rend chez son médecin pour savoir si jouer autre chose que de la polka n’est pas le signe d’une maladie. On est touché, et on s’attache tant à ce drôle de bonhomme qu’à son entourage.
Un homme, un vrai.
Finalement, Schultze part découvrir le blues à sa source, aux Etats-Unis. Le film devient alors parfois pénible. L’incompréhension linguistique est tout d’abord amusante mais devient rapidement pesante. Cependant, cette incompréhension est aussi à l’origine de belles rencontres. Michael Scorr filme avec amour les acteurs, les regards, les danses. Un amour qu’on en vient à partager.
Ce film est une bonne leçon de cinéma, qui devrait faire réfléchir les hollywoodiens sur le fait que l’abus de musiques fortes, de dialogues inutiles, d’effets spéciaux et d’acteurs surpayés (mais fervents combattants du méchant patronat!), n’est pas nécessaire.
Mais avant tout c’est une leçon de vie, dont j’ai déjà tiré une première conclusion précédemment. J’ajouterai que Schultze, fraichement retraité et donc plus très jeune, est encore capable de remettre entièrement en question la suprématie de la seule musique qu’il connaissait, que son père lui avait transmis, et par ce biais remettre en question sa vie, ses certitudes. Une chose que, de 7 à 77 ans, peu gens ne parviennent à faire. C’est difficile, mais le film nous montre bien à quel point il en ressort plus grand, et, surement pour la 1ère fois, heureux.
Pour remettre son monde en question, voilà un bon conseil, commencez déjà par écouter la musique dont vous n’avez jamais soupçonné l’existence: du Yemen, d’Israël, de Slovaquie, de Colombie… le choix de région ne manque pas, et encore moins celui de genre musical au sein de ces régions. La musique est un bon, si ce n’est le meilleur, moyen d’aborder une culture. Et s’intéresser aux autres cultures est surement la meilleure chose à faire pour vous aborder la vie sous d’autres angles, avec de nouvelles perspectives, et briser le carcan que la société vous a crée. Suivez la voie de Schultze : révolution !
En bonus, Michael Schorr et Schultze vous offre quelques recettes de cuisine:
http://www.schultzegetstheblues.de/en/shrimps.html